Il faut presque nuit lorsque j'arrive à la plage de Chef de Baie. Je gare la voiture sur le parking que je ne reconnais presque pas avec la pénombre. J'ouvre la portière et troque mon dufflecoat contre mon gros manteau de ski Roxy. C'est qu'il ne fait pas chaud en ce samedi de décembre auprès de l'océan. Ca souffle fort. Je quitte le parking et en prenant la venelle je le vois, au bout, il est là, toujours le même : l'océan. Ca faisait longtemps et aussitôt, je regrette de ne pas êtr venue aux beaux jours. Mais je me ressaisi et me rabroue "Carpe Diem : on ne regarde pas si loin, ni dans le passé, ni dans le futur". Je descends la pente. A ma droite, l'esplanade de pelouse où l'été les cerf-volants décollent et volent au vent, où les gens sont allongés sur leur serviette, avec leur lusqiue ou leu instrument. Diantre que tout cela m'a manqué. Là, il fait froid, c'est l'hiver, et je suis toute seule assise sur mon muret. Face à la mer (Calogero) - enfin à l'océan- je regarde l'endroit où ma serviette de bain était posé la dernière fois que je suis venue ici, en juillet 2016... Et je me souviens... Flashback:
Une journée de Juillet à La Rochelle. Il fait beau, le soleil chauffe mes jambes et je bronze en écoutant les enfants crier sur la plage. J'ai la tête appuyée sur la main et mon chapeau ur ma tête. je regarde par de ssus mes lunettes les gens passer, certaines dames se raconter leurs vies pendant que les maris dorment ou se reposent. J'aime ces moments de repos. Je ne pense à rien? Je suis bien.
Mais il est l’heure de laisser ma serviette, de quitter la plage. J’enfile une robe par-dessus mon maillot et hop !, direction l’EPHAD. Pas question de rater ma séance quotidienne de Scrabble avec Colette ! J'enfourche mon vélo aux super-pouvoirs et je file comme le vent sur le front de mer. Je tourne dans la zone industrielle et quelques minutes plus tard (merci le vélo électrique prété par tonton Thierry), j’arrive sur le parking. Deuxième étage. Je pousse sa porte et elle est là, prêt de sa fenêtre, dans son fauteuil, de ceux qui ont les pieds qui se relèvent ! Avec Colette, il y a toujours quelque chose à dire sur la météo « ahhh qu’il fait trop chaud, je dors mal » ou sur les goélands qui chantent au-dessus de sa fenêtre de chambre « les sales gouelles tiens, de la saleté ces bêtes-là ». Mais il y a toujours ce moment où ell me fait un signe de tête vers le placard de droite. Alors on installe le plateau de scrabble et les 2 chaises autour de la table. Ce moment où l’une comme l’autre, on est juste heureuses d’être là ensemble.
On a le dictionnaire à proximité mais aussi l’officiel du Scrabble de 1998 (l'indispensable !-j'ai même acheté le même pour jouer à la maison). Et puis il y a aussi toutes ces petites listes de mots faites à la main. Les mots courts, les mots avec des W-X-Y-Z et les feuilles volantes où l’on note les scores mais aussi les anecdotes sur la famille qu’elle me raconte par-dessus le plateau, pendant qu’on réfléchit à chaque tour ! Et toujours sa petite fierté de me dire « J-E-A-N, jean ! A chaque partie j’arrive à placer le nom de mon Jeannot » !
Aujourd'hui aussi j'ai passé l'après-midi avec Colette. Comme avant. Enfin presque... Quand j'ai poussé la porte de sa chmabre, elle n'était pas dans son fauteuil habituel. celui qu'elle avait en double : "un pour Jeannot et un pour moi". Cette fois ci, elle est assise sur un fauteuil Hi-tech avec des sangles sur les côtés pour que la machine puisse la soulever de on lit à sa chaise. Elle se repose, ses yeux sont mi-clos. Je frappe un peu plus fort à la porte et elle me voit, me reconnait tout de suite ! J'ai à peine le temps de lui dire qu'elle m'a terriblement manqué et de poser mon manteau qu'elle me montre le placard en me disant "le scrabble est toujours là haut".Je me dis "Chouette, elle a vieillit ma Tata Colette mais elle perd pas le Nord"!
C'est presque l'heure du goûter et je lui ai apporté des macarons. Elle me dit qu'il y a du jus de fruit dans le frigo et nous voilà chacune avec notre berlingot de multifruits, ceux avec la paille ! Elle dévore son goûter et je suis heureue de lui voir un bon appetit malgré tout. Alors je souris. Je suis là, avec elle et je mange moi aussi, moi qui ne suit pas trop sucré.
Mais la partie ne s'annonce pas gagnée, dans tous les sens du terme. Aujourd'hui, ma Colette a les mains toutes tremblantes et je dois poser les lettres qu'elle a pioché sur la règlette pour ne pas qu'elles tombent. Aujourd'hui, ma Colette me jete les lettres pour que je les pose à la place qu'elle m'indique. Parfois, les coups ne s'enchainent lentement alors je la regarde. La peau de son visage est toute vieillit mais pas les bords, c'est étonnant non?! Ses cheveux ont poussés et ont blanchis aussi. Elle me regarde et me dit "bah tu joues!!". alors je m'esclaffe et je dis "bah si tu attends que je joue alors que c'est à toi on est pas rendu!!!"Je souris, je rigole, je fais comme si de rien était, même quand elle joue 3 fois de suite. Comme quand on joue avec un enfant. Et puis, elle pose un mot où il manque une lettre "mais c'est pas grave" et puis, les mots se touchent et ça on a pas le droit normalement au Scrabble. Ma gorge se sert mais je ne lache rien. On est à la fin et il nous reste chacune quelques lettres, difficiles à poser, impossible... Elle s'affaisse, elle ferme de plus en plus ses yeux et je lui dit, "allez c'est pas grave, on arrête et je compte les points". Elle me bafouille quelque chose que je ne comprends pas alors je me concentre sur les comptes. Et figurez-vous qu'elle m'a encore battut malgré tout ça ! 243 à 198 !
Le soleil est tombé pendant cette partie qui a été si longue. En 2 heures de temps, normalement, on en faisait 2 ou 3 des parties ! Je la laisse se reposer. Je reviendrais demain matin, à 10h, hein tata ?
Assise sur mon muret, je me repasse les évènements de la journée et je laisse les larmes rouler sur mes joues. Je laisse le vent balayer mon visage car au fond, ça me fait du bien. C'était notre dernière partie de Scrabble, je le sais maintenant. Plus rien ne sera comme avant, comme ces dernières années où je venais profiter d'elle l'été comme de la grand-mère que je n'ai que peu connu. Ainsi va la vie aurait dit louis Chédid...